Publié le 11 Novembre 2020
Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918
Joseph Gilles était un ouvrier agricole landais qui écrivait chaque jour à sa femme Corine. Il a été tué par un éclat d'obus, au moment de la relève, sur le front le 20 aout 1916. Il venait d'avoir trente- six ans.
Le 6 aout 1916.
Aujourd'hui, dimanche, repos complet; messe militaire à 9 heures dans l'église de Cérisy, j'y suis allé. Tu dois te penser, ma chère Corine; moi qui n'allais pas souvent à la messe avant la guerre, maintenant j'y vais toutes les fois que j'ai l'occasion. Tu vas être obligée de croire que je suis redevenu chrétien. Et bien, entre les deux, je veux qu'il n'y ait rien de caché, je veux te faire savoir tout ce que je pense et tout ce que je fais.
Je vais à la messe parce que le danger m'a effrayé, et m'a fait réfléchir à des choses auxquelles je ne voulais guère penser avant la guerre.
Lorsque j'étais avec toi, j'étais pris par mon travail, et je voulais en même temps me passer quelque plaisir, et je ne réfléchissais guère à ce qui devait m'attendre ici. Je ne pensais qu'au présent. Mais lorsque je me suis vu privé de tous les plaisirs, quand les obus et les balles m'ont mis devant la mort,et c'est aussi en prenant les longues heures de garde au créneau que j'ai eu le temps de réfléchir, et maintenant j'ai pris au sérieux ces croyances avec lesquelles j'ai discuté si souvent avec les camarades. Voilà comment ça se passe et que l'on dise ce qu'on voudra, je sais que tu seras de mon avis.
Joseph Gilles.