Au plaisir de lire encore et toujours de beaux romans, français, étrangers, surtout des classiques écrits par de grands auteurs qui forcent l'admiration.
"Par la lecture,on s'absente de soi-même et de sa propre vie."
Alphonse Karr
A travers ce récit, Stendhal nous entraine outre à Rome, Naples et Florence, dans plusieurs villes d'Italie, particulièrement à Milan et Bologne et nous fait voyager dans ces lieux chargés d'histoire et de beauté. De belles promenades!
« – Avant-hier, en descendant l’Apennin pour arriver à Florence, mon cœur battait avec force. Quel enfantillage! Enfin, à un détour de la route, mon œil a plongé dans la plaine, et j’ai aperçu de loin, comme une masse sombre, Santa Maria del Fiore et sa fameuse coupole, chef-d’œuvre de Brunelleschi. « C’est là qu’ont vécu le Dante, Michel-Ange, Léonard de Vinci ! Me disais-je; voilà cette noble ville, la reine du Moyen Age ! C’est dans ces murs que la civilisation a recommencé; là, Laurent de Médicis a si bien fait le rôle de roi, et tenu une cour où, pour la première fois depuis Auguste, ne primait pas le mérite militaire. » Enfin, les souvenirs se pressaient dans mon cœur, je me sentais hors d’état de raisonner, et me livrais à ma folie comme auprès d’une femme qu’on aime. En approchant de la porte San Gallo et de son mauvais arc de triomphe, j’aurais volontiers embrassé le premier habitant de Florence que j’ai rencontré. »
L’œuvre est rédigée en deux tomes. Le premier décrit plus particulièrement la vie ordinaire avec ses aléas, de Désiré Mamelin et d'Elise. Le second, celle de leur fils Roger avec toutes leurs évolutions au cours des évènements politiques et autres.
"On est à la fin mars, et il y a encore de la glace sur l'étang aux canards, boulevard d'Avroy; les pas font craquer les allées de buis sombres où gesticulent des statues exsangues.
La ville est vide, plate comme une carte postale à un sou; on la dirait, elle aussi, en noir et blanc, à peine rehaussée d'un lavis rose bonbon du côté du couchant."
"Désiré Mamelin, employé d'assurances, et sa jeune femme, Élise Peters, habitent un deux-pièces, rue Léopold, à Liège, où Élise met au monde un garçon, Roger, le . Les deux époux, issus de la petite bourgeoisie commerçante et catholique, appartiennent chacun à une famille nombreuse dont le réseau absorbe presque entièrement leurs relations sociales. Chez les Mamelin, une vie patriarcale détermine des habitudes quasi rituelles auxquelles se conforme Désiré, optimiste, débonnaire, régulier en tout. Du côté Peters, le clan est moins stable, plus divisé. Différant d'un mari qu'elle juge trop peu sensible, Élise se montre dolente et larmoyante. Deux de ses sœurs sont hystériques. Son frère aîné, Léopold, le marginal de la famille, est buveur et anarchiste : c'est à partir de lui que se dessine l'aventure du jeune Félix Marette, recherché à Liège pour un attentat et obligé de fuir en France où il trouvera à se fixer, non sans mal. Le ménage Mamelin quitte son logement exigu pour un appartement rue Pasteur, puis pour une maison rue de la Loi. Élise réalise ainsi son rêve : prendre des locataires qui seront, au besoin, des pensionnaires ; en général, ce seront des étudiants étrangers (russes ou polonais).
Entre-temps, Roger grandit, fait ses premières découvertes – images et sensations –, fréquente l'école des Sœurs, puis l'institut des Frères, toujours dans le quartier des Mamelin, sur la rive droite, en Outremeuse. La fin de ses classes primaires – il sort premier – coïncide avec le début de la guerre de 1914. Les pensionnaires d’Élise se sont dispersés. Roger entre en 6e latine, au collège Saint-Louis, chez les Jésuites. On le croit promis à la prêtrise. Mais, pendant les vacances qu'il passe à Embourg, dans la campagne liégeoise, une idylle avec une adolescente lui révèle la sexualité. Dorénavant, c'est au collège Saint-Servais, l'autre établissement des Jésuites fréquenté par les fils de la grande bourgeoisie, qu'il poursuivra ses études en section moderne-scientifique. Il a pris goût à la pipe et à la lecture des romans. La guerre amène d'autres changements. Les Mamelin ont déménagé pour la rue des Maraîchers, où Élise a renouvelé ses locataires : des officiers allemands plutôt discrets et une vieille fille qui exaspère Roger jusqu'à l’écœurement. La transformation de l'adolescent va s'opérer petit à petit, au hasard des rencontres, parfois douteuses, des curiosités, souvent malsaines, et sous l'influence d'une parenté où les oncles et tantes comptent moins que les cousins et cousines et leurs amis. Les restrictions se font sentir ; les plaisirs n'en deviennent que plus tentants qui incitent Roger à puiser dans la caisse d'un de ses oncles. Son émancipation lui attire des scènes orageuses avec sa mère. Il joue au jeune homme, fait à l'occasion du marché noir, se détache de ses études qu'il abandonne à la veille des examens de troisième, au moment où son père ressent les premières atteintes d'une angine de poitrine. Roger va donc chercher un emploi. Engagé chez un libraire qui tient un cabinet de lecture, il est bientôt congédié pour avoir contredit son patron. À peine a-t-il le temps de se sentir désœuvré que l'armistice éclate, semant dans la ville un délire de joie bruyante où il est entraîné, indifférent, presque malgré lui."
L’iris au bord du rivage
Se reflétait dans l’étang,
Bel iris sauvage
Qui rêves au beau temps.
Iris mes beaux yeux
Tu parfumes les draps blancs,
Iris merveilleux,
Iris au bord de l’étang.
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu. je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu. Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
« Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre ,
Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé
D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.
"Le faux serment est un crime. Le guet-apens est un crime.
La séquestration arbitraire est un crime.
La subornation de fonctionnaires publics est un crime.
Le vol est un crime. Le meurtre est un crime.
Ce sera un des plus douloureux étonnements de l'avenir que, dans de nombreux nobles pays qui, au milieu de la prostration de l'Europe, avaient maintenu leur Constitution et semblaient être les derniers et sacrés asiles de la probité et de la liberté, ce sera, disons-nous, l'étonnement de l'avenir que, dans ces pays-là, il ait été fait des lois pour protéger ce que toutes les lois humaines, d'accord avec toutes les lois divines, ont dans tous les temps appelé crime.
L'honnêteté universelle proteste contre ces lois protectrices du mal.
Pourtant que les patriotes qui défendent la liberté, que les généreux peuples auxquels la force voudrait imposer l'immortalité, ne désespèrent pas; que, d'un autre côté, les coupables, en apparence tout-puissant, ne se hâtent pas trop de triompher en voyant les pagestronquées de ce livre. (Les châtiments)
Quoique fassent ceux qui règnent chez eux par la violence et hors de chez eux par la menace, quoique fassent ceux qui se croient les maîtres des peuples et qui ne sont que les tyrans des consciences, l'homme qui lutte pour la justice et la vérité, trouvera toujours le moyen d'accomplir son devoir tout entier.
La toute-puissance du mal n'a jamais abouti qu'à des efforts inutiles. La pensée échappe toujours à qui tente de l'étouffer. Elle se fait insaisissable à la compression ; elle se réfugie d'une forme dans l'autre. Le flambeau rayonne; si on l'éteint, si on l'engloutit dans les ténèbres, le flambeau devient une voix, et l'on ne fait pas la nuit sur la parole; si l'on met un bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l'on ne bâillonne pas la lumière.
Rien ne dompte la conscience de l'homme, car la conscience de l'homme c'est la pensée de Dieu."