poemes

Publié le 17 Novembre 2007

                                                                                                       Victor Hugo

Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent:- Couchons-nous sur la terre, et dormons.-
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
-Je suis trop près, dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir, sinistre, dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.

Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
-Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes.-
Et, comme ils s'asseyaient, il vit dans les cieux mornes
L’œil a la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
-Cachez-moi ! cria-t-il ; Et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous de tentes de poil dans le désert profond :
-Étends de ce côté la toile de la tente.-
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
-Vous ne voyez plus rien ? dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : - Je vois cet œil encore !

Jubal. Père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : -Je saurais bien construire une barrière -
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit : -Cet œil me regarde toujours !
Hénoch dit : -Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville et nous la fermerons. -
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente au mur de toile.
On lia chaque bloc avec des nœuds de fer,

Et la ville semblait une ville d'enfer;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre;
Et lui restait lugubre et hagard. -Ô mon père !
L’œil a-t-il disparu ? dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : - Non, il est toujours là.
Alors il dit : je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire.
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. -
On fit donc une fosse. Et Caïn dit : C'est bien !
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis, sur sa chaise dans l'ombre,
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.

                                                                              La Légende des siècles

 

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Publié le 31 Juillet 2007

Paul Verlaine

Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m’ont pas trouvé malin.

À vingt ans un trouble nouveau
Sous le nom d’amoureuses flammes
M’a fait trouver belles les femmes :
Elles ne m’ont pas trouvé beau.

Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l’étant guère,
J’ai voulu mourir à la guerre :
La mort n’a pas voulu de moi.

Suis-je né trop tôt ou trop tard?
Qu’est-ce que je fais en ce monde?
Ô vous tous, ma peine est profonde ;
Priez pour le pauvre Gaspard

Chardons des montagnes

       

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Publié le 30 Juillet 2007

                                                                                                  Paul Verlaine  

    Un grand sommeil noir
       Tombe sur ma vie :
    Dormez, tout espoir,
       Dormez, toute envie!

    Je ne vois plus rien,
       Je perds la mémoire
    Du mal et du bien. . .
       ô la triste histoire!


    Je suis un berceau
       Qu'une main balance
    Au creux d'un caveau. . .
       Silence, silence!

    Le ciel est, par-dessus le toit,
       Si bleu, si calme!
    Un arbre, par-dessus le toit,
       Berce sa palme.

    La cloche dans le ciel qu'on voit
       Doucement tinte.
    Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
       Chante sa plainte.


    Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
       Simple et tranquille.
    Cette paisible rumeur là
       Vient de la ville.

    -Qu' as-tu fait, ô toi que voilà
       Pleurant sans cesse,
    Dis, qu'as-tu fais, toi que voilà,
       De ta jeunesse ?

 

                                             

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Publié le 17 Juin 2007

                                                                                                           Alice du Gard

  Tu étais là, toujours là,
Mais de mes yeux d'enfant, je ne te voyais pas;
    Je ne te regardais pas;
Et je n'ai pas vu, que chaque jour, tu te levais,
    Prenais l'autobus, pour aller travailler,
Pour que moi, petite fille aux longues tresses,
    Je puisse manger, me vêtir, jouer, recevoir des cadeaux,
et même, partir en vacances.
    Pour tout cela, Papa, je te dis merci.

 

                                                                                              

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Publié le 3 Juin 2007

    Une pensée pour toutes celles qui accomplissent un travail formidable, mais hélas, trop souvent méconnu, et dont on ne mesure pas suffisamment l'impact bénéfique dans nos vies
    
    Le sergent tira de sa poche un morceau de pain

de munition et le tendit à la mère. La mère
    rompit le pain en deux morceaux et les donna

aux enfants. Les petits mordirent avidement.
    -Elle n'en a pas gardé pour elle, grommela le sergent.
    -C'est qu'elle n' a pas faim, dit un soldat.
    -C'est qu' elle est la mère, dit le sergent.

                                                                                  Victor Hugo

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Publié le 16 Mars 2007

     Marie-Thérèse Garnier 

       Nous revenions de promenade. . .
Pour mieux marcher à travers champs
       Et nous suivre en nos escapades
 Grand-mère s'était prestement,
          Fait une canne d'une branche
 Ramassée au bord du chemin
           Fleuri de clématites blanches,

 De chardons mauves et de thym.
             Parvenue en haut du village
  se juche notre maison,
       La promeneuse au doux visage
S'appuyait toujours au bâton;
          Au seuil encadré de verdure,
Grand-mère, en un geste soudain,
          Dans la terre de la bordure
Ficha son encombrant gourdin.

        Ce fut l'ultime promenade;
L'automne était venu sans bruit;
        Du vent, les premières rafales
Nous chassèrent de ce pays.

        Des semaines, des mois passèrent. . .
Quand nous revînmes aux beaux jours,
        Hélas! nous n'avions plus grand-mère
Et, Dieu! que nos cœurs étaient lourds!
        Devant notre porte rustique
Nous demeurions , tout hésitants,
        A contempler, mélancoliques,
Les premiers signes du printemps;
        Les iris en touffe odorante
Se pressaient autour du vieux tronc
        Ou la sève s'écoulait, puissante,
Couvrant la treille de bourgeons;

       C' est alors que dans la bordure
Nos regards furent attirés
       Par une légère verdure
Insolite en sa nouveauté;

       Dans la solide tige brune
Qu'un frais feuillage surmontait,
       Tout ébahis, nous reconnûmes
L'innocent bâton de l'été!
       C'est ainsi que, prenant racine,
La branche morte du chemin
       Donna naissance à l'aubépine
Dont l'ombre est douce à nos matins;
       Sa vigueur est exubérante
Parfois jusqu'à la déraison
       Mais sa présence est rassurante
Auprès de la vielle maison;

       Du ciel elle est la grâce offerte
Pour nous faire mieux souvenir
       De la chère aïeule aux mains vertes
Qui de la-haut la voit fleurir.

L' Aubépine

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Publié le 28 Janvier 2007

Alice du Gard

Il est parti,
    Je ne le vois plus.
Où est-il ?

    Je ne sais .
Il m'a laissé tomber, il ne m'aime plus.
    Que lui ai-je fait ?
Me trouve t-il laide ?
     Me trouve t-il bête ?
Il ne me dit rien,
    Il se tait.
Il se mûre dans le silence,
    Un silence épais
Épais comme les ténèbres.
    Je souffre,
J'ai mal.
    L'angoisse m'étreint comme un étau,
Un étau qui se resserre, qui m'étouffe, m'enlève mon souffle,
    Mon souffle de vie,
Je suis seule,
    Quel est mon avenir?
          

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Publié le 4 Novembre 2006

   Paul Verlaine

   O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour
 Et la blessure est encore vibrante,
    O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.


    O mon Dieu, votre crainte m'a frappé
Et la brûlure est encore là qui tonne,
    O mon Dieu, votre crainte m'a frappé.

    O mon Dieu, j' ai connu que tout est vil
Et votre gloire en moi s'est installée,
    O mon Dieu, j'ai connu que tout est vil.

    Noyez mon âme aux flots de votre Vin,
Fondez ma vie au Pain de votre table,
    Noyez mon âme aux flots de votre Vin.


    Voici mon sang que je n'ai pas versé,
Voici ma chair indigne de souffrance,
    Voici mon sang que je n'ai pas versé.

    Voici mon front qui n'a pu que rougir,
Pour l'escabeau de vos pieds adorables,
    Voici mon front qui n'a pu que rougir.

    Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,
Pour les charbons ardents et l'encens rare,
    Voici mes mains qui n'ont pas travaillé.

    Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain,
Pour palpiter aux ronces du Calvaire,
    Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain.


    Voici mes pieds, frivoles voyageurs,
Pour accourir au cri de votre grâce,
    Voici mes pieds, frivoles voyageurs.

    Voici ma voix, bruit maussade et menteur,
Pour les reproches de la Pénitence,
    Voici ma voix, bruit maussade et menteur.

    Voici mes yeux, luminaires d'erreur,
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
    Voici mes yeux, luminaires d'erreur.

    Hélas! Vous, Dieu d'offrande et de pardon,
Quel est le puits de mon ingratitude,
    Hélas! Vous, Dieu d'offrande et de pardon,


    Dieu de terreur et Dieu de sainteté,
Hélas! ce noir abîme de mon crime,
    Dieu de terreur et Dieu de sainteté,

    Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,
Toutes mes peurs, toutes mes ignorances,
    Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur,

    Vous connaissez tout cela, tout cela,
Et que je suis plus pauvre que personne,
    Vous connaissez tout cela, tout cela,

Mais ce que j' ai, mon Dieu, je vous le donne;
  

 

                                                                 

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Publié le 28 Mai 2006

       Enfants, regardez bien ces yeux, écoutez cette chère voix, notez en vous la sensation du simple affleurement de cette douce main ! Prenez soin de cela tant que vous avez encore le plus précieux de tous les cadeaux : une mère aimante. Détectez l'amour profond de ses yeux, la légère anxiété du ton de sa voix à la moindre de vos peines. Plus tard dans la vie, vous aurez des amis, d' excellents amis, mais jamais, vous ne retrouverez cet accent d'amour inexprimable prodigué comme seule une mère peut le faire.

Thomas Macaulay

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Publié le 27 Mai 2006

Théophile Gautier   

La plus délicate des roses
Est à coup sûr, la rose- thé.
    Son bouton aux feuilles mi-closes
De carmin à peine est teinté.

    On dirait une rose blanche
Qu'aurait fait rougir de pudeur,
    En la lutinant sur la branche,
Un papillon trop plein d'ardeur.


    Son tissu rose et diaphane
De la chair a le velouté;
    Auprès, tout incarnat se fane
Ou prend de la vulgarité.

    Comme un teint aristocratique
Noircit les fronts bruns de soleil,
    De ses sœurs elle rend rustique
Le coloris chaud et vermeil.

    Mais,si votre main qui s'en joue,
A quelque bal, pour son parfum,
    La rapproche de votre joue,
Son frais éclat devient commun.


    Il n'est pas de rose assez tendre
Sur la palette du printemps,
    Madame, pour oser prétendre
Lutter contre vos dix-sept ans.

    La peau vaut mieux que le pétale,
Et le sang pur d'un noble cœur
    Qui sur la jeunesse s'étale,
De tous les roses est vainqueur

                                                 

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