Au plaisir de lire encore et toujours de beaux romans, français, étrangers, surtout des classiques écrits par de grands auteurs qui forcent l'admiration.
"Par la lecture,on s'absente de soi-même et de sa propre vie."
Alphonse Karr
Une nouvelle inspirée de faits réels que Vercors écrit comme un hommage à la résistance.
Pendant la deuxième guerre mondiale, un oncle et sa nièce sont contraints d'héberger chez eux un officier allemand auquel ils opposent un silence obstiné en guise de protestation. Mais l'allemand, dans une volonté de s'entendre avec ses hôtes et de dépasser l'inimitié entre les pays ennemis, leur tient patiemment, chaque jour, un discours dans lequel il parle de la beauté de la France, de ses grands écrivains, de son amour pour elle. Il parle de l'Allemagne, du conflit franco-allemand dont il est sûr qu'il aboutira à la paix entre les deux pays. Étant musicien, son extrême sensibilité à l'art, lui cache la réalité morbide des évènements. " Pardonnez-moi: peut-être j'ai pu vous blesser. Mais ce que je disais, je le pense avec un très bon cœur: je le pense par amour pour la France. Il sortira de très grandes choses pour l'Allemagne et pour la France. Je pense, après mon père, que le soleil va luire sur l'Europe." Hélas arrive le temps où il devra déchanter car on lui fait comprendre ce qu'est vraiment l'intention des nazis." Tout ce que j'ai dit ces six mois, tout ce que les murs de cette pièce ont entendu...(il respira avec un effort asthmatique, garda un silence la poitrine gonflée...) il faut...(il respira...) il faut l'oublier.
Pendant tous ces mois de la présence de cet homme dans leur maison, l'oncle et la nièce ne lui ont pas donné une seule réponse, n'ont pas dit un seul mot; mais ils sont troublés. A leur dépens un lien s'est tissé entre eux et l'allemand, car bien que silencieux, ils étaient forcés d'entendre ces monologues, qui à la longue, ne pouvaient plus les laisser insensibles.
A travers ce récit, Stendhal nous entraine outre à Rome, Naples et Florence, dans plusieurs villes d'Italie, particulièrement à Milan et Bologne et nous fait voyager dans ces lieux chargés d'histoire et de beauté. De belles promenades!
« – Avant-hier, en descendant l’Apennin pour arriver à Florence, mon cœur battait avec force. Quel enfantillage! Enfin, à un détour de la route, mon œil a plongé dans la plaine, et j’ai aperçu de loin, comme une masse sombre, Santa Maria del Fiore et sa fameuse coupole, chef-d’œuvre de Brunelleschi. « C’est là qu’ont vécu le Dante, Michel-Ange, Léonard de Vinci ! Me disais-je; voilà cette noble ville, la reine du Moyen Age ! C’est dans ces murs que la civilisation a recommencé; là, Laurent de Médicis a si bien fait le rôle de roi, et tenu une cour où, pour la première fois depuis Auguste, ne primait pas le mérite militaire. » Enfin, les souvenirs se pressaient dans mon cœur, je me sentais hors d’état de raisonner, et me livrais à ma folie comme auprès d’une femme qu’on aime. En approchant de la porte San Gallo et de son mauvais arc de triomphe, j’aurais volontiers embrassé le premier habitant de Florence que j’ai rencontré. »
L’œuvre est rédigée en deux tomes. Le premier décrit plus particulièrement la vie ordinaire avec ses aléas, de Désiré Mamelin et d'Elise. Le second, celle de leur fils Roger avec toutes leurs évolutions au cours des évènements politiques et autres.
"On est à la fin mars, et il y a encore de la glace sur l'étang aux canards, boulevard d'Avroy; les pas font craquer les allées de buis sombres où gesticulent des statues exsangues.
La ville est vide, plate comme une carte postale à un sou; on la dirait, elle aussi, en noir et blanc, à peine rehaussée d'un lavis rose bonbon du côté du couchant."
"Désiré Mamelin, employé d'assurances, et sa jeune femme, Élise Peters, habitent un deux-pièces, rue Léopold, à Liège, où Élise met au monde un garçon, Roger, le . Les deux époux, issus de la petite bourgeoisie commerçante et catholique, appartiennent chacun à une famille nombreuse dont le réseau absorbe presque entièrement leurs relations sociales. Chez les Mamelin, une vie patriarcale détermine des habitudes quasi rituelles auxquelles se conforme Désiré, optimiste, débonnaire, régulier en tout. Du côté Peters, le clan est moins stable, plus divisé. Différant d'un mari qu'elle juge trop peu sensible, Élise se montre dolente et larmoyante. Deux de ses sœurs sont hystériques. Son frère aîné, Léopold, le marginal de la famille, est buveur et anarchiste : c'est à partir de lui que se dessine l'aventure du jeune Félix Marette, recherché à Liège pour un attentat et obligé de fuir en France où il trouvera à se fixer, non sans mal. Le ménage Mamelin quitte son logement exigu pour un appartement rue Pasteur, puis pour une maison rue de la Loi. Élise réalise ainsi son rêve : prendre des locataires qui seront, au besoin, des pensionnaires ; en général, ce seront des étudiants étrangers (russes ou polonais).
Entre-temps, Roger grandit, fait ses premières découvertes – images et sensations –, fréquente l'école des Sœurs, puis l'institut des Frères, toujours dans le quartier des Mamelin, sur la rive droite, en Outremeuse. La fin de ses classes primaires – il sort premier – coïncide avec le début de la guerre de 1914. Les pensionnaires d’Élise se sont dispersés. Roger entre en 6e latine, au collège Saint-Louis, chez les Jésuites. On le croit promis à la prêtrise. Mais, pendant les vacances qu'il passe à Embourg, dans la campagne liégeoise, une idylle avec une adolescente lui révèle la sexualité. Dorénavant, c'est au collège Saint-Servais, l'autre établissement des Jésuites fréquenté par les fils de la grande bourgeoisie, qu'il poursuivra ses études en section moderne-scientifique. Il a pris goût à la pipe et à la lecture des romans. La guerre amène d'autres changements. Les Mamelin ont déménagé pour la rue des Maraîchers, où Élise a renouvelé ses locataires : des officiers allemands plutôt discrets et une vieille fille qui exaspère Roger jusqu'à l’écœurement. La transformation de l'adolescent va s'opérer petit à petit, au hasard des rencontres, parfois douteuses, des curiosités, souvent malsaines, et sous l'influence d'une parenté où les oncles et tantes comptent moins que les cousins et cousines et leurs amis. Les restrictions se font sentir ; les plaisirs n'en deviennent que plus tentants qui incitent Roger à puiser dans la caisse d'un de ses oncles. Son émancipation lui attire des scènes orageuses avec sa mère. Il joue au jeune homme, fait à l'occasion du marché noir, se détache de ses études qu'il abandonne à la veille des examens de troisième, au moment où son père ressent les premières atteintes d'une angine de poitrine. Roger va donc chercher un emploi. Engagé chez un libraire qui tient un cabinet de lecture, il est bientôt congédié pour avoir contredit son patron. À peine a-t-il le temps de se sentir désœuvré que l'armistice éclate, semant dans la ville un délire de joie bruyante où il est entraîné, indifférent, presque malgré lui."
L’iris au bord du rivage
Se reflétait dans l’étang,
Bel iris sauvage
Qui rêves au beau temps.
Iris mes beaux yeux
Tu parfumes les draps blancs,
Iris merveilleux,
Iris au bord de l’étang.
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C'était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu. je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu. Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
« Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre ,
Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé
D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.
"Le faux serment est un crime. Le guet-apens est un crime.
La séquestration arbitraire est un crime.
La subornation de fonctionnaires publics est un crime.
Le vol est un crime. Le meurtre est un crime.
Ce sera un des plus douloureux étonnements de l'avenir que, dans de nombreux nobles pays qui, au milieu de la prostration de l'Europe, avaient maintenu leur Constitution et semblaient être les derniers et sacrés asiles de la probité et de la liberté, ce sera, disons-nous, l'étonnement de l'avenir que, dans ces pays-là, il ait été fait des lois pour protéger ce que toutes les lois humaines, d'accord avec toutes les lois divines, ont dans tous les temps appelé crime.
L'honnêteté universelle proteste contre ces lois protectrices du mal.
Pourtant que les patriotes qui défendent la liberté, que les généreux peuples auxquels la force voudrait imposer l'immortalité, ne désespèrent pas; que, d'un autre côté, les coupables, en apparence tout-puissant, ne se hâtent pas trop de triompher en voyant les pagestronquées de ce livre. (Les châtiments)
Quoique fassent ceux qui règnent chez eux par la violence et hors de chez eux par la menace, quoique fassent ceux qui se croient les maîtres des peuples et qui ne sont que les tyrans des consciences, l'homme qui lutte pour la justice et la vérité, trouvera toujours le moyen d'accomplir son devoir tout entier.
La toute-puissance du mal n'a jamais abouti qu'à des efforts inutiles. La pensée échappe toujours à qui tente de l'étouffer. Elle se fait insaisissable à la compression ; elle se réfugie d'une forme dans l'autre. Le flambeau rayonne; si on l'éteint, si on l'engloutit dans les ténèbres, le flambeau devient une voix, et l'on ne fait pas la nuit sur la parole; si l'on met un bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l'on ne bâillonne pas la lumière.
Rien ne dompte la conscience de l'homme, car la conscience de l'homme c'est la pensée de Dieu."
Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Dans le beau pays de Cornouailles, dans le grand château de Porthgenna-Tower la maîtresse de l'endroit se meurt, assisté de sa femme de chambre, qu'elle oblige à écrire une lettre révélant un lourd secret. Sarah Leeson, affolée et complètement bouleversée, s'en défend autant qu'elle puisse le faire, mais sa maîtresse, imperturbable, lui fait jurer sur la bible, de remettre cette missive à son mari. Ne pouvant se décider à troubler la maître de maison, un homme qui a toujours été bon pour elle, Sarah cache la lettre dans un coin du château et s'enfuit.
Bien des années plus tard, Sarah Leeson rencontre un jeune couple dont la femme lui raconte qu'elle connait bien Porhgénna-Tower et qu'elle compte bien s'y rendre car elle y est chez elle.
A partir de cet instant Sarah fait tout son possible pour déjouer les plans de la jeune femme mais c'est sans compter sur la pugnacité de Rosamond, qui, piquée par cette réaction excessive, s'emploie à percer le mystère.
Sarah Leeson est une femme singulière de par son comportement étrange dont beaucoup se gaussent. Parlant très peu, vivant dans une crainte perpétuelle, elle donne l'impression de plier sous un poids énorme, écrasant, et semble ne pas avoir toute sa tête. On ne peut s'empêcher d'avoir pitié d'elle et de se demander quel est ce gros fardeau qui l'accable à ce point. Du reste, d'une grande honnêteté et appréciée dans son travail qu'elle accomplit impeccablement.
"Ni grande, ni belle, ni dans la fleur de l'âge, avec des manières timides qui trahissaient l'irrésolution de sa volonté, une mise dont la simplicité était poussée jusqu'aux extrêmes limites de ce que les convenances autorisent, la femme de chambre, nonobstant tous ces désavantages extérieurs, était une de ces personnes qu'on ne peut guère envisager sans quelque curiosité, sinon sans quelque intérêt."
Ce que j'en pense: Les épisodes de la vie de ses personnages sont très longs car Wilkie Collins ajoute moult détails qui gênent un peu la lecture; toutefois pas trop car l'auteur sait manier le suspens. Les sentiments et les émotions de ses personnages sont bien décrits, ce qui nous permet d'entrer en empathie avec eux. C'est ainsi que le personnage de Sarah Leeson m'a touchée dans sa souffrance et sa fragilité.
Petite biographie: Wilkie Collins était le fils d'un peintre paysagiste renommé, il était avocat de métier, décédé en 1889 à l'âge de 65 ans. Il était contemporain de Charles Dickens.
"C'étaient les morues qui exécutaient leurs évolutions d'ensemble, toutes en long dans le même sens, bien parallèles, faisant un effet de hachures grises, et sans cesse agitées d'un tremblement rapide, qui donnait un air de fluidité à cet amas de vies silencieuses."
En Bretagne, du côté de Paimpol, le principal travail est la pêche et particulièrement la pêche à la morue que l'on va chercher loin, très loin, près de l'Islande, la terre de glace. Pour ce faire, les pêcheurs que l'on nomme dans ce roman,"les Islandais"sont obligés de quitter leurs maisons, leurs familles, tout ce qu'ils aiment. Ils partent au printemps pour ne revenir qu'à l'automne. Ils sont toujours accompagnés au départ par leurs proches et au retour tout le monde est là pour les fêter. Ils forment une communauté soudée et solidaire. Ces départs sont toujours empreints d'une certaine tristesse et surtout d'une inquiétude bien légitime, car le métier est dangereux dans cette tumultueuse Mer du Nord, qui avale souvent ces hommes vaillants. Quand aux femmes, leur vie est faite d'attente et d'anxiété, tant elles craignent de perdre leurs bien-aimés.
Yann est un de ces pêcheurs, courageux, aimant la mer qui lui offre d'ailleurs un spectacle fameux dans ces régions froides. Il va même jusqu'à dire que "sesnoces il les ferait avec la mer". Il est secret, taquin, semble tout tourner à la dérision. Il fréquente Gaud, une jeune fille de Paimpol, et toute la petite communauté s'attend à l'annonce de leur mariage que l'on voudrait célébrer au cours de l'hiver. Mais le temps passe, le printemps est là et la mer appelle Yann...
Les lames, frisées en volutes, continuaient de se courir après, de se réunir, de s'agripper les unes les autres pour devenir toujours plus hautes, et, entre elles, les vides se creusaient.
Mais cela grossissait toujours. Ces lames se succédaient, plus énormes, en longues chaînes de montagne dont les vallées commençaient à faire peur.
Petite biographie.
Pierre Loti, 1850-1923, était un écrivain et officier de marine, né à Rochefort, issu d'une famille protestante Il était membre de l'Académie française et a eu droit à des funérailles nationales. Sa maison de Rochefort a été transformée en musée.