Au plaisir de lire encore et toujours de beaux romans, français, étrangers, surtout des classiques écrits par de grands auteurs qui forcent l'admiration.
"Par la lecture,on s'absente de soi-même et de sa propre vie."
Alphonse Karr
Un pasteur ramène chez lui une jeune fille aveugle et entreprend de l'éduquer pour l'amener à la vie véritable. Or, Gertrude se révèle intelligente, douce et docile. Le temps passant, à leur insu, un lien plus profond se tisse entre le maitre et l'élève. Le pasteur ne s'en aperçoit pas, convaincu qu'il est d'accomplir une bonne action, et de devoir s'occuper de cette jeune fille, de son âme en particulier. Mais la présence de Gertrude gène Amélie, l'épouse du ministre, qui voit très bien que son mari s'attachant trop à son élève, s'éloigne d'elle et délaisse sa famille.
On fait forcément la comparaison entre les deux femmes: l'une pratiquement sans défauts,( mais on prend soin de lui cacher beaucoup de choses désagréables), l'autre, amère, aigrie, jalouse, mais ces réactions sont compréhensibles. Le comportement de ecclésiastique est discutable, car bien que s'appuyant sur les textes bibliques, y trouvant prétexte, croyant bien faire, son action envers Gertrude, que l'on pourrait qualifier de bonne, ne l'est pas en réalité, puisque ce faisant il est amené à mépriser sa femme. Gertrude, que j'ai trouvée quelques fois agaçante de trop de perfection, se rend compte de la souffrance d'Amélie, et l'on s'aperçoit finalement, que l'aveugle n'est pas celui qu'on croit.
Extraits "-Je te l'ai dit, Gertrude: ceux qui ont des yeux sont ceux qui ne savent pas regarder."
Fuyant la guerre qui approche, Roger quitte la France en 1939 pour Copenhague dans l'intention de profiter pleinement de la vie en attendant que le conflit éclate. Poussé par une sensualité exacerbée, il s'amuse donc avec des filles, de préférence superbes, qui lui permettent d'oublier un peu la peur qui le tenaille quand il pense aux évènements. Mais ces jeux, peu honorables, cessent le jour où il rencontre Karin dont la personnalité mystérieuse l'intrigue et vers laquelle il éprouve une très forte attirance faite plutôt de tendresse que de désir.
Karin Dix ans après, Karin a 27 ans. S'étant comportée pendant l'occupation d'une manière choquante, les habitants de Copenhague l’ostracisent cruellement et l'obligent à vivre dans une solitude dont elle souffre extrêmement. Nul ne lui parle, elle travaille et se promène dans la ville, en évitant les endroits d'où elle sera systématiquement chassée. Elle ne vit qu'avec le souvenir de Roger et de sa passion pour cet homme dont, à sa grande surprise, elle reçoit un jour la visite. Mais Roger, au bout de tant d'années, a si changé qu'elle ne le reconnait pas. En effet s'étant converti à la foi qu'il avait jadis critiquée chez Karin, il refuse de renouer des relations amoureuses avec elle, faisant entendre que l'amour ne peut aller avec sa nouvelle orientation. Ce nouvel abandon de l'homme qu'elle aime lui brise le cœur, l'enfonçant un peu plus dans sa solitude et l'entrainant dans une sombre mélancolie.
J'ai trouvé dommage que Roger oppose la foi à l'amour, alors que les deux orientations vont de pair. Cette façon de voir la religion et l'amour ne peut avoir que des conséquences négatives comme il est bien démontré dans cette histoire.
J'ai beaucoup aimé ce livre. Chacun des personnages s'épanchant sans rien cacher de ses sentiments, nous entraine dans son histoire personnelle et nous oblige à une réflexion sur les sujets de la solitude, de l'après-guerre, de la foi et de l'amour.
Victor Hugo La Légende des siècles Booz s'était couché de fatigue accablé;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Ce vieillard possédait des champs de blé et d'orge;
Il était, quoique riche, à la justice enclin;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge .
Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril. Sa gerbe n'était point avare ni haineuse; Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse: -Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques, Vêtu de probité candide et de lin blanc; Et, toujours du côté des pauvres ruisselant, Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.
Booz était bon maître et fidèle parent; Il était généreux, quoiqu'il fût économe; Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme, Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard, qui revient vers la source première, Entre aux jours éternels et sort des jours changeants; Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens, Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.
Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens. Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres, Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres; Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Les tribus d'Israel avaient pour chef un juge; La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait, Était mouillée encor et molle du déluge.
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith, Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée; Or, la porte du ciel s'étant entre-baillée Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu; Une race y montait comme une longue chaîne; Un roi chantait en bas, en haut mourrait un dieu.
Et Booz murmurait avec la voix de l'âme: "Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt? Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt, Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.
"Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi, O Seigneur! a quitté ma couche pour la vôtre; Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre; Elle à demi vivante et moi mort à demi.
"Une race naîtrait de moi! Comment le croire? Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants? Quand on est jeune, on a des matins triomphants; Le jour sort de la nuit comme d'une victoire;
"Mais, vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau; Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe, Et je courbe, O mon Dieu! mon âme vers la tombe, Comme un bœuf ayant soif penche son front vers l'eau"
Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase, Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés; Le cèdre ne sent pas une rose à sa base, Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.
Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite, S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu, Espérant on ne sait quel rayon inconnu, Quand viendrait du réveil la lumière subite.
Booz ne savait point qu'une femme était là, Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle. Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles; Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle; Les anges y volaient sans doute obscurément, Car on voyait passer dans la nuit, par moment, Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz qui dormait, Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse. On était dans le mois où la nature est douce, Les collines ayant des lys sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait; l'herbe était noire; Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement; Une immense bonté tombait du firmament; C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth; Les astres émaillaient le ciel profond et sombre; Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles, Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été, Avait, en s'en allant, négligemment jeté Cette faucille d'or dans le champ des étoiles
Les gens s'attardent trop
sur le côté négatif des choses,
sur ce qui est mal...Pourquoi
ne pas essayer de voir les
choses de façon positive,
de les toucher et de les faire fleurir?
Mathieu estarchitecte, la quarantaine, apprendchez sonmédecinqu'il est gravement malade, et qu'il n'en a plus que pour six mois. Sa vie bascule dujour au lendemain. D'abord, il n'y croit pas, cette affreuse nouvelle ne parvient pas à pénétrer dans son esprit.. Mais assez rapidement il réalise l'horreur de sa situation, et celle-ci l'enfonce dans une peur terrible qu'il a du mal à contrôler. Immédiatement, il se met à imaginer ce qui arrivera quand il sera mort, ou plutôt ce qui n'arrivera plus: il ne pourra plus rien faire : plus de projets d'avenir, plus de loisirs, plus d'amour... Et tout cela l'affole. Mais, il se rend compte aussi, qu'à cause de ce néant, de ce "trou" qui l'attend, ce qui, à ses yeux, avait de l'importance, n'en a plus la moindre maintenant. Il se doit de prévenir ses proches, ce qu'il fait avec un mélange de crainte, d'appréhension et de questionnement. Car, comment vont-ils réagir? Cette situation nouvelle lui montre où il en est avec ses relations, entre autres, féminines. Aime t-il ou non? Est-il aimé?
"Et soudain, la réalité de sa mort le frappa comme un coup et le plia en deux sur sa chaise,..."
"Une bête, une poulpe, un insecte impitoyable, en ce moment même vivait, grandissait, développait sournoisement ses griffes, sa mâchoire."
Ce que j'en pense: très bien, intéressante lecture de par son thème.
Nina Berberova Ecrivain russe née en 1901, décédée en 1993
Sonetchka est pauvre, sa mère est un professeur de piano très connu,mais à qui on ne pardonne pas la bâtardise de sa fille.
Plus tard, les circonstances de la vie en Russie, devenant de plus en plus dures, la jeune fille se trouve dans l'impossibilité de donner des leçons de piano, et dans l'obligation de devenir l'accompagnatrice de Maria Nikolaevna, une célèbre soprano.
Elle entre donc dans ce milieu aisé dans lequel on ne manque de rien et passe une bonne partie de son temps avec la cantatrice qui fait preuve envers elle d'une grande bonté. La musicienne a la vie facile: un beau métier, de l'argent, des honneurs, de la célébrité... Sonetchka, elle, n'a rien de tel, elle n'est pas belle et n'a pas de don particulier. Elle est obligée de reconnaitre que l'autre la domine de son grand talent et qu'il lui faut s'incliner. Elle constate aussi, que vivant toujours dans l'ombre de la soprano, son avenir est complètement fermé. Voyant tout cela, la jeune fille se met à éprouver des sentiments de jalousie et décide de percer à jour cette femme "parfaite" dans le but de la faire tomber.
" -Sonetchka! me souffla-t-elle, et je compris, d'abord, qu'il fallait commencer, et ensuite qu'elle était la cantatrice, et moi l'accompagnatrice, que ce concert était son concert et non pas, comme elle le disait, le nôtre, que la gloire était pour elle, que le bonheur était pour elle, que moi, quelqu'un m'avait trompée, qu'on m'avait filoutée sur le poids et la mesure, que j'étais traitée en dindon de la farce par le bon Dieu et le destin."
Max Jacob est né à Quimper en 1876, et décédé en déportation à Drancy en 1944
Il s'agit d'un recueil de lettres que Max Jacob a écrit en 1922. Dans ces lettres les personnages racontent d'une manière assez piquante leur vie, parlent de leurs idées, disent leur façon de voir certains problèmes etc... Les commentaires qui suivent chaque lettre donnent une autre facette de ces narrations ce qui rend l’œuvre encore plus intéressante.
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage Traversé ça et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
-ô douleur! ô douleur! Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie.
Un pauvre ouvrier intelligent et bon, pressé par la faim, vole pour subvenir aux besoins de sa petite famille. Aussitôt, il est mis en prison. Là, dans cet enfer tragique, il rencontre Albin, un jeune détenu avec lequel il se lie d'amitié. Mais le directeur de la prison, homme borné, poussé par la jalousie, à cause de l'aura, qu'exerce sur ses compagnons Claude Gueux, regarde cette amitié d'un mauvais œil et décide, sans raison valable, de séparer les deux hommes. Exaspéré par cet acte gratuit et méchant de la part d'un homme auquel il n'a fait aucun mal, Claude Gueux décide de le tuer.
Dans cette triste histoire, Victor Hugo souligne, que le prisonnier, même s'il se conduit bien, n'est plus rien, il est traité comme un chien que l'on tutoie dédaigneusement et auquel on ne reconnait aucun avenir, ce qui explique le comportement odieux du directeur de la prison. Victor Hugo démontre aussi, le bien-fondé de l'éducation qui permet au peuple de se prendre en mains et la nécessité d'une instruction religieuse, cette dernière étant porteuse d'espérance. Il établit également que bien que chaque individu reste responsable de ses actes, la société, elle, garde une responsabilité de ce qui se passe en son sein.
Extraits "Donnezau peuple qui travaille et qui souffre, donnez au peuple pour qui ce monde-ci est mauvais, la croyance à un meilleur monde fait pour lui. Il sera tranquille, il sera patient. La patience est faite d'espérance.
" Donc ensemencez les villages d'évangiles. Une bible par cabane. Que chaque livre et chaque champ produisent à eux deux un travailleur moral"