Le rapport de Brodeck
Publié le 6 Juillet 2009
Philippe Claudel
L'histoire se passe un an après la fin de la guerre. Un crime vient d'être commis.
La quarantaine d'hommes rassemblés à l'auberge Schloss demande à Brodeck d'écrire un rapport sur l'évènement tragique qui vient de se produire. Contraint d'accepter, Brodeck relate minutieusement tout ce qui a trait à l'Ereignies : l'occupation des Fratergekeime, la scandaleuse collaboration des villageois. Enfin l'arrivée de l'Anderer au village - un étranger, qui surprend tout le monde par son comportement mystérieux, de surcroît parlant peu, dessinant et écrivant on ne sait quoi dans son petit carnet noir. Un climat de méfiance s'établit tout de suite autour de cet homme, bien que celui-ci soit tranquille et paisible.
Brodeck est lui-même un homme doux, mais tourmenté par ce qu'il a vécu d'atroce dans les camps de la mort dont il est sorti miraculeusement au prix de grands sacrifices. Le rapport qu'il écrit est comme une longue confession douloureuse dans laquelle il raconte les atrocités qu'il a vu commettre: les silences, les lâchetés qui poussent les hommes à trahir, à tuer, l’égoïsme aussi, le désir d'oublier, de ne plus souffrir par le rappel de la conscience. Brodeck raconte aussi sa propre souffrance qu'il a osé confier à l'Anderer qu'il estimait pour son esprit fin et cultivé.
Quelque temps après l'arrivée de l'étranger une cérémonie de bienvenue est organisée pour lui, par le maire, à laquelle tous les villageois sont conviés. Le lendemain pour remercier du bon accueil, l'Anderer invite les habitants du village pour une petite fête au cours de laquelle il leur présente des portraits les représentant tous. Mais ces portraits sont si ressemblants qu'ils agissent comme des miroirs dans lesquels tout un chacun peut se reconnaître et se retrouve confronté à sa propre vérité, à sa veulerie, sa haine, sa saleté, ses monstruosités. Les hommes du village ne peuvent supporter ce regard qui pénètre leur être intérieur et décident de passer à l'acte.
Le maire, après lecture du rapport de Brodeck, décide de ne pas en tenir compte car dit-il, ce qu'il faut regarder, c'est le lendemain et pour pouvoir vivre il faut oublier le passé, or celui-ci appartient à la mort. "Le troupeau compte sur moi pour éloigner tous les dangers, et de tous les dangers, celui de la mémoire est un des plus terribles,... Brodeck lui répond: "Tu as brûlé du papier, tu n'as pas brûlé ce que j'ai dans ma tête !
Brodeck a beaucoup souffert à cause de la lâcheté des villageois. Pourtant, il leur donne comme excuse la peur qui les a poussés à agir comme ils l'ont fait. Il raisonne ainsi parce qu'il sait au fond de lui-même qu'il est comme eux, capable des pires atrocités devant des situations fatales.
J'ai beaucoup aimé cette œuvre qui est une véritable remise en question et un rappel du devoir de mémoire.