Printemps
Publié le 28 Mars 2006
Francis Carco
Dans l'enclos campagnard où sèche la lessive,
La rivière entraîne le ciel à la dérive
Et le vent est chargé d'une odeur de lilas.
La terre exhale une senteur de terreau gras
Dont s'imprègnent les draps grenus,râpeux et rudes
Que la servante épaisse, aux lentes attitudes,
Recueillera, ce soir, dans son panier d'osier.
Je songe au geste égal, rustique et familier
De cette femme, détachant comme des grappes
De fruits clairs, la blancheur ondoyante des nappes,
Qui claquent comme un vol de colombes, soudain
Et se déploient - halo vivant - par ce jardin
En frappant le silence inconnu d'un bruit d'ailes.
O Rumeurs, vous flottez aux courbes des tonnelles,
Vous emplissez l'enclos paisible et la maison
Savoure la voluptueuse pâmoison
De se sentir ainsi bercée à vos murmures:
Débordez maintenant dans les chambres obscures,
Et vous reconnaîtrez, dans l'ombre, chaque fois,
L'écho mystérieux qui double votre voix.