Publié le 25 Septembre 2019

Eric-Emmanuel Schmitt

Je crois que j'ai aimé Tamanrasset à l'instant même où la ville m'apparut derrière le hublot.

A vingt-huit ans, désirant faire le point sur sa vie, et répondant à l'invitation d'un metteur en scène ayant le projet de faire un film, Eric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée dans le sud de l'Algérie avec un groupe de personnes dirigées par Abayghur le touareg, un personnage haut en couleurs qui fascine Schmitt de par sa façon d'être. Font partie de cette équipe, des philosophes, scientifiques, astronomes... Alors les discussions vont bon train... Surtout avec Ségolène, croyante, avec laquelle l'auteur s'entretient assez souvent.

"Vois-tu la nature sans t'interroger sur la direction qu'elle prend? Son sens? Moi, devant tant de prodiges, je ne peux m'empêcher d'envisager qu'il y a un plan, un dessein intelligent. Le cosmos et la vie attestent l'existence d'un esprit supérieur.

Mais l'esprit rationaliste de E Emmanuel Schmitt se rebiffe et lui commande de chercher ailleurs des explications à tout ce qu'il voit. "Je n'aime pas les questions qui n'obtiennent pas de réponse.

Un jour, pourtant, il est amené par les circonstances, à remettre en question ses croyances. En redescendant du Mont Tahat, le plus haut sommet du Hoggar, il se perd dans l'immensité de ce désert magnifique mais hostile. La nuit arrive. Or, n'ayant pas prévu de prolonger sa promenade au delà de la journée, il n'a rien emporté de ce qui est indispensable dans ce milieu. Pas suffisamment d'eau, pas de vêtements chauds. Dans l'obscurité quasi totale la crainte commence à se saisir de lui. Égaré. Rien à manger. Je ferme les paupières. Mes méninges moulinent.    Mourir...Voilà ce qui m'attend. Néanmoins pour une simple question de survie, Eric-Emmanuel Schmitt réagit efficacement en s'enfonçant dans un trou qu'il a creusé dans le sable. Dans cet abri de fortune, regardant les étoiles lumineuses il médite.

Soudain, sans qu'il n'y comprenne rien, il se sent soulevé, se met à flotter au dessus du paysage, sans plus éprouver la moindre douleur, la moindre souffrance. Incroyable: j'ai deux corps! L'un sur terre, l'autre en l'air. D'où vient cette force qui m'a placé si haut et m'y maintient? Une paix profonde l'envahit, il goûte un bonheur excessif et se sent fondre dans cette énergie qu'il ne peut contrôler. Et tout à coup il réalise, lui, l'agnostique, que tout a un sens, qu'il existe bien un esprit supérieur, une présence qu'il appelle Dieu. Dieu, je l'ai atteint par le cœur. Ou il a atteint mon cœur. Là, en moi, s'est creusé un corridor entre deux mondes, le nôtre et le sien... Nous ne nous quitterons plus. Quel bonheur qu'il existe! Dorénavant, il ne peut plus vivre comme si rien ne s'était produit. Cette expérience le marque à jamais et oriente sa vie de façon différente.

Le Hoggar

 

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Rédigé par Alicia

Publié dans #Littérature française

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Publié le 10 Septembre 2019

Honoré de Balzac

Me Derville, avoué, reçoit  en son étude un pauvre homme, habillé misérablement et dont les clercs se gaussent sans aucun scrupule tant cet homme présente mal. Me Derville, bien que pressé, écoute attentivement l'histoire de ce pauvre hère, surtout quand celui-ci lui déclare être le colonel Chabert, ayant glorieusement participé à la bataille d'Eylau, mais déclaré mort, enseveli sous un amoncellement de cadavres.

Le colonel Chabert,(car c'est bien lui), désire qu'on lui restitue son identité, sa fortune et son épouse Rose Chapotel, ancienne fille de joie, qu'il a tiré de la fange, aujourd'hui mariée au comte Ferraud.

Mais la situation est délicate. La comtesse Ferraud a accumulé une grosse fortune et acquis un statut social élevé grâce à la disparition de son mari. Non seulement elle n'a rien à gagner au retour de cet époux mais au contraire à perdre beaucoup. Aussi, de connivence avec Delbecq, son intendant, homme fourbe et sournois, choisit-elle tout d'abord, d'ignorer les lettres envoyées par Chabert; et quand elle se trouve dans l'obligation de le rencontrer, fait-elle semblant de ne pas le reconnaître. Enfin, pour arriver à ses fins, elle use de tous les stratagèmes comme la cajolerie, pour se débarrasser de cet homme encombrant. Finalement, avec son complice, et dans le dos de Chabert, qui ne se doute de rien, elle prépare une lettre dans laquelle est stipulé que son premier mari reconnait une imposture.

Devant tant de vilénie et de bassesse, dans un profond désespoir, dégoûté de l'humanité, le colonel Chabert, homme droit et vertueux, préfère renoncer à ses droits et démuni de tout, sans revenu, s'en va vivre mendiant dans un hospice à Bicêtre, et dans le souvenir de son temps de gloire quand il était soldat.

"Il, (Chabert) lui prit un si grand dégoût de la vie, que s'il y avait eu de l'eau près de lui il s'y serait jeté, que s'il avait eu des pistolets il se serait brûlé la cervelle."

 

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Rédigé par Alicia

Publié dans #Classiques français

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Publié le 6 Septembre 2019

Auguste Lacaussade

Sous ces rayons cléments des soleils de septembre
Le ciel est doux, mais pâle, et la terre jaunit.
Dans les forêts la feuille a la couleur de l’ambre ;
L’oiseau ne chante plus sur le bord de son nid.

Du toit des laboureurs ont fui les hirondelles ;
La faucille a passé sur l’épi d’or des blés ;
On n’entend plus dans l’air des frémissements d’ailes :
Le merle siffle seul au fond des bois troublés.

La mousse est sans parfum, les herbes sans mollesse ;
Le jonc sur les étangs se penche soucieux ;
Le soleil, qui pâlit, d’une tiède tristesse
Emplit au loin la plaine et les monts et les cieux.

Les jours s’abrègent ; l’eau qui court dans la vallée
N’a plus ces joyeux bruits qui réjouissaient l’air :
Il semble que la terre, et frileuse et voilée,
Dans ses premiers frissons sente arriver l’hiver.

Ô changeantes saisons ! ô lois inexorables !
De quel deuil la nature, hélas ! va se couvrir !
Soleils des mois heureux, printemps irréparables,
Adieu ! ruisseaux et fleurs vont se taire et mourir.

Mais console-toi, terre ! ô Nature ! ô Cybèle !
L’hiver est un sommeil et n’est point le trépas :
Les printemps reviendront te faire verte et belle ;
L’homme vieillit et meurt, toi, tu ne vieillis pas !

Tu rendras aux ruisseaux, muets par la froidure,
Sous les arceaux feuillus leurs murmures chanteurs ;
Aux oiseaux tu rendras leurs nids dans la verdure ;
Aux lilas du vallon tu rendras ses senteurs.

Ah ! des germes captifs quand tu fondras les chaînes,
Quand, de la sève à flots épanchant la liqueur,
Tu feras refleurir les roses et les chênes,
Ô Nature ! avec eux fais refleurir mon cœur !

Rends à mon sein tari les poétiques sèves,
Verse en moi les chaleurs dont l’âme se nourrit,
Fais éclore à mon front les gerbes de mes rêves,
Couvre mes rameaux nus des fleurs de mon esprit.

Sans l’ivresse des chants, ma haute et chère ivresse,
Sans le bonheur d’aimer, que m’importent les jours !
Ô soleils! ô printemps ! je ne veux la jeunesse
Que pour toujours chanter, que pour aimer toujours !

Poèmes et Paysages.

Automne

 

Auguste Lacaussade, né en 1815 sur l'île de La Réunion et mort en 1897 à Paris.

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Rédigé par Alicia

Publié dans #Poèmes

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