Chaque jour est un adieu
Publié le 30 Octobre 2016
Alain Remond
Un petit livre d'une centaine de pages qui se lit très vite, et dans lequel Alain Remond, journaliste, raconte son enfance et sa jeunesse en Bretagne. Une belle écriture lyrique et profonde. Un récit poignant dans lequel l'auteur s'épanche dans une liberté pleine de pudeur et de retenue.
Dix enfants et les parents dans un trois pièces à Trans non loin du Mont Saint Michel. Dans la maison, quand la famille y arrive en 1952, pas d'eau courante, pas de salle de bains ni de WC. On se lavait dans la cuisine avec le broc et la cuvette, à l'eau froide. Les toilettes consistaient en un baraquement situé dans une cour à laquelle on accédait après avoir traversé la route. Pas de jouets non plus. Aussi les enfants se distrayaient-ils en inventant des jeux qui les emmenaient dans un univers qu'ils se créaient eux-mêmes. La forêt toute proche leur donnait aussi nombre de jeux divers.
La vie, dans ces conditions, était loin d'être facile, soutenue par la seule paye du père qui était cantonnier de son état. Pourtant Alain Remond décrit cette vie comme un paradis, c'est ainsi qu'il la voit quand il était enfant. "On a passé là, dans la cour, des milliards d'heures de pur bonheur."
L'école, c'était la classe unique, les grands et les petits, tous mélangés, les grands devant aider les petits sous la direction du vicaire instituteur. Après la classe on allait faire un tour chez le forgeron, le sabotier, le cordier, le menuisier pour les regarder travailler.
Cette maison c'était donc la maison du bonheur, mais, tristement, le temps passant, elle est devenue la maison du malheur, car les parents ne s'aimaient plus. Des disputes et des cris sans fin. De la peur, de l'angoisse, la guerre, la haine.
Les relations avec le père, comme dans ces années là, étaient pratiquement inexistantes. Le dialogue, l'échange n'étaient pas dans les habitudes: "Mon père m'était un étranger. J'aurais aimé l'aimer, mais comment faire si on ne sait presque rien l'un de l'autre, si on ne se connait pas"? Ce manque de partage ouvrait la porte à des perceptions fausses et c'est ainsi que Alain Remond a été surpris, plus tard, de voir que son père n'était pas ce qu'il croyait être; mais qu'il était intéressant et possédait des qualités insoupçonnées: "Là je le voyais, je l'entendais: je découvrais quelqu'un d'autre, qui m'étais inconnu. A Trans, à la maison, c'était celui par qui la guerre arrivait.--- Ici, dans cette chambre d'hôpital, c'était celui qui faisait rire"... A la mort de son père, qui le bouleverse, Alain Remond découvre en lui-même des sentiments ambivalents, à la fois soulagement, (dont il a honte) et profonde tristesse.