poemes

Publié le 6 Novembre 2019

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !


Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie

Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? …

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphir;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux

Alphonse de Lamartine,

(Méditations poétiques)

 

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Rédigé par Alicia

Publié dans #Poèmes, #Classiques français

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Publié le 6 Septembre 2019

Auguste Lacaussade

Sous ces rayons cléments des soleils de septembre
Le ciel est doux, mais pâle, et la terre jaunit.
Dans les forêts la feuille a la couleur de l’ambre ;
L’oiseau ne chante plus sur le bord de son nid.

Du toit des laboureurs ont fui les hirondelles ;
La faucille a passé sur l’épi d’or des blés ;
On n’entend plus dans l’air des frémissements d’ailes :
Le merle siffle seul au fond des bois troublés.

La mousse est sans parfum, les herbes sans mollesse ;
Le jonc sur les étangs se penche soucieux ;
Le soleil, qui pâlit, d’une tiède tristesse
Emplit au loin la plaine et les monts et les cieux.

Les jours s’abrègent ; l’eau qui court dans la vallée
N’a plus ces joyeux bruits qui réjouissaient l’air :
Il semble que la terre, et frileuse et voilée,
Dans ses premiers frissons sente arriver l’hiver.

Ô changeantes saisons ! ô lois inexorables !
De quel deuil la nature, hélas ! va se couvrir !
Soleils des mois heureux, printemps irréparables,
Adieu ! ruisseaux et fleurs vont se taire et mourir.

Mais console-toi, terre ! ô Nature ! ô Cybèle !
L’hiver est un sommeil et n’est point le trépas :
Les printemps reviendront te faire verte et belle ;
L’homme vieillit et meurt, toi, tu ne vieillis pas !

Tu rendras aux ruisseaux, muets par la froidure,
Sous les arceaux feuillus leurs murmures chanteurs ;
Aux oiseaux tu rendras leurs nids dans la verdure ;
Aux lilas du vallon tu rendras ses senteurs.

Ah ! des germes captifs quand tu fondras les chaînes,
Quand, de la sève à flots épanchant la liqueur,
Tu feras refleurir les roses et les chênes,
Ô Nature ! avec eux fais refleurir mon cœur !

Rends à mon sein tari les poétiques sèves,
Verse en moi les chaleurs dont l’âme se nourrit,
Fais éclore à mon front les gerbes de mes rêves,
Couvre mes rameaux nus des fleurs de mon esprit.

Sans l’ivresse des chants, ma haute et chère ivresse,
Sans le bonheur d’aimer, que m’importent les jours !
Ô soleils! ô printemps ! je ne veux la jeunesse
Que pour toujours chanter, que pour aimer toujours !

Poèmes et Paysages.

Automne

 

Auguste Lacaussade, né en 1815 sur l'île de La Réunion et mort en 1897 à Paris.

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Rédigé par Alicia

Publié dans #Poèmes

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Publié le 3 Août 2019

Ondine Valmore

Durant les longs étés, quand la terre altérée
Semble se soulever, blanchie et déchirée,
Pour chercher vainement un souffle de fraîcheur
Qui soulage en passant son inquiète ardeur;
Quand la moisson jaunie, éparse, échevelée,
Se penche tristement sur sa tige brûlée,
Qu’il est doux, sur ces champs tout à coup suspendu,
De voir poindre et grandir le nuage attendu !
Qu’il est doux, sous les flots de sa tiède rosée

De voir se ranimer la nature embrasée,
Et de sentir la vie, arrêtée un moment,
Rentrer dans chaque feuille avec frémissement !
Dans ces vallons étroits, profonds, et solitaires,
Où plonge un jour douteux pesant, plein de mystères ;
Où l’ombre des sapins couvre les champs pâlis,
Loin de l’air et du ciel terrains ensevelis;
Qu’il est doux, au milieu de la sombre journée,
De voir éclore enfin une heure fortunée,
De voir l’astre de feu, que le mont veut cacher,
S’élevant glorieux, dominer le rocher !
Ouvrant sa gerbe d’or sur ce côté du monde,
De ses jets lumineux il l’échauffe et l’inonde,
Et l’aride vallon, semé de mille fleurs,

Resplendira bientôt de divines couleurs!

Les Beaux de Provence

Ondine Valmore était une poétesse et femme de lettres française qui a publié de courts recueils de poèmes et de contes. Malade sa vie durant, elle est morte de la tuberculose en 1853, à l'âge de trente et un an.

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Rédigé par Alicia

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Publié le 5 Juillet 2019

Francis Jammes

   

J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
 
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;
 
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
 
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
 
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
 
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
 
Jeune fille au doux cœur,
tu n’as pas sa douceur :
 
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
 
Et il reste à l’étable,
fatigué, misérable,
 
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
 
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
 
Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille...
 
Mais l’âne s’est blessé :
la mouche l’a piqué.
 
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
 
Qu’as-tu mangé petite ?
— T’as mangé des cerises.
 
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.
 
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre...
 
La corde de ton cœur
n’a pas cette douceur.
 
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
 
J’ai le cœur ulcéré :
ce mot-là te plairait.
 
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris ?
 
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
 
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
 
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris ?
 
Je doute qu’il réponde :
il marchera dans l’ombre,
 
crevé par la douceur,
sur le chemin en fleurs.

 

On prétend que les ânes sont têtus, je ne le crois pas. Voilà un poème qui le démontre. Du reste à chaque rencontre que j'ai faite avec un âne, j'ai trouvé celui-ci doux et tranquille. Il ne demande pas mieux que d'être en compagnie. Son seul défaut,( si c'en est un), est qu'il a besoin de brouter énormément. Alors, quand on se promène avec lui, la patience est de mise..

Francis Jammes était un poète, romancier, critique d'art... né en 1868 et décédé en 1938 dans les Pyrénées. Contemporain de Baudelaire, Gide, Mallarmé... il a correspondu avec plusieurs écrivains tels Colette. Son œuvre, immense est toujours vivante aujourd'hui.

 

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Rédigé par Alicia

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Publié le 2 Juin 2019

 Leconte de Lisle

Les prés ont une odeur d’herbe verte et mouillée,
Un frais soleil pénètre en l’épaisseur des bois,
Toute chose étincelle, et la jeune feuillée
Et les nids palpitants s’éveillent à la fois.

Les cours d’eau diligents aux pentes des collines
Ruissellent, clairs et gais, sur la mousse et le thym ;
Ils chantent au milieu des buissons d’aubépines
Avec le vent rieur et l’oiseau du matin
.

Les gazons sont tout pleins de voix harmonieuses,
L’aube fait un tapis de perles aux sentiers,
Et l’abeille, quittant les prochaines yeuses,
Suspend son aile d’or aux pâles églantiers.

Sous les saules ployants la vache lente et belle
Paît dans l’herbe abondante au bord des tièdes eaux ;
La joug n’a point encor courbé son cou rebelle,
Une rose vapeur emplit ses blonds naseaux.

Et par delà le fleuve aux deux rives fleuries
Qui vers l’horizon bleu coule à travers les prés,
Le taureau mugissant, roi fougueux des prairies,
Hume l’air qui l’enivre, et bat ses flancs pourprés.

La Terre rit, confuse, à la vierge pareille
Qui d’un premier baiser frémit languissamment,
Et son œil est humide et sa joue est vermeille,
Et son âme a senti les lèvres de l’amant.

O rougeur, volupté de la Terre ravie !
Frissonnements des bois, souffles mystérieux !
Parfumez bien le cœur qui va goûter la vie,
Trempez-le dans la paix et la fraîcheur des cieux !

Assez tôt, tout baignés de larmes printanières,
Par essaims éperdus ses songes envolés
Iront brûler leur aile aux ardentes lumières
Des étés sans ombrage et des désirs troublés.

Alors inclinez-lui vos coupes de rosée,
O fleurs de son Printemps, Aube de ses beaux jours !
Et verse un flot de pourpre en son âme épuisée,
Soleil, divin Soleil de ses jeunes amours !

"Poésies diverses."

 

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Rédigé par Alicia

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Publié le 1 Mai 2019

Victor Hugo

Premier Mai

Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.

Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.

Premier Mai ! L'amour gai, triste, brûlant, jaloux,

Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;

L'arbre ou j'ai, l'autre automne, écrit une devise,

La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ;

Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,

Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cœur ;

L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine

Des déclarations qu'au printemps fait la plaine,

Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.

A chaque pas du jour dans le bleu firmament,

La campagne éperdue, est toujours plus éprise,

Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise

Envoie au renouveau ses baisers odorants ;

Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,

Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime !

Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même,

Font des taches partout de toutes les couleurs ;

Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;

Comme si ses soupirs et ses tendres missives

Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,

Et tous les billets doux de son amour bavard,

Avaient laissé leurs traces aux pages du buvard !

Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,

Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;

Tout semble confier à l'ombre un doux secret ;

Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on dirait

Qu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore,

La haie en fleur, le lierre et la source sonore,

Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,

Répètent un quatrain, fait par les quatre vents.

 

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Rédigé par Alicia

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Publié le 9 Avril 2019

Stéphane Mallarmé

Le printemps maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau
Et triste, j’erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane

Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…
– Cependant l'azur rit sur la haie et l’éveil
De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.

 

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Rédigé par Alicia

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Publié le 28 Mars 2019

Robert Desnos

L’iris au bord du rivage
Se reflétait dans l’étang,
Bel iris sauvage
Qui rêves au beau temps.
Iris mes beaux yeux
Tu parfumes les draps blancs,
Iris merveilleux,
Iris au bord de l’étang.

Iris des montagnes

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Rédigé par Alicia

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Publié le 14 Février 2019

Alice du Gard

De ma terrasse ombragée
Je vois l'oiseau sautillant
A petits pas sur ses pattes grêles

Il regarde à droite
Il regarde à gauche
Puis, rassuré, prend son envol
pour se poser sur la branche fine et frêle

Gros-bec

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Rédigé par Alicia

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Publié le 1 Février 2019

                                                                                                          Victor Hugo

En hiver la terre pleure ;
Le soleil froid, pâle et doux,
Vient tard, et part de bonne heure,
Ennuyé du rendez-vous.

Leurs idylles sont moroses.
- Soleil ! aimons ! - Essayons.
O terre, où donc sont tes roses ?
- Astre, où donc sont tes rayons ?

Il prend un prétexte, grêle,
Vent, nuage noir ou blanc,
Et dit : - C'est la nuit, ma belle ! -
Et la fait en s'en allant ;

Comme un amant qui retire
Chaque jour son cœur du nœud,
Et, ne sachant plus que dire,
S'en va le plus tôt qu'il peut.

 

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Rédigé par Alicia

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