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Publié le 28 Juin 2019
Alice du Gard
La soixantaine, les cheveux couleur paille, bien en chair, elle va et vient presque sans discontinuer. Toujours active, infatigable elle vaque à ses occupations tout en donnant ses ordres avec autorité; elle fait bien comprendre que c'est elle la patronne. Et la petite femme, menue, fluette, s'empresse, craintive, de satisfaire cette rombière qui, fière de sa position sociale, l'écrase de ses regards hautains et méprisants. Le travail est fatiguant, d'autant plus que la bourgeoise est maniaque. Il s'agit de ne pas laisser le moindre grain de poussière sur le sol, le bambin qui va bientôt arriver risque de s'empoisonner, le pauvre chéri ! ! ! La petite femme se demande ce qu'elle fait là? Elle sent qu'elle n'est pas à sa place, qu'elle a mieux à faire, qu'elle est capable d'occuper une situation plus intéressante. Elle se sent blessée de se trouver dans une position d'infériorité qui permet à l'autre de la considérer comme une personne de moindre importance, alors qu'elle sait qu'elle a plus de valeur qu'il n'y parait.
Seulement voilà, quand on ne fait que du ménage, on est systématiquement perçu comme quelqu'un de dédaignable; même si le travail en lui-même n'a rien de honteux et de déshonorant. Alors la petite femme prend son mal en patience, sachant que les idées erronées ont la vie dure, et tout en s'appliquant malgré tout à la tâche, relève la tête et reprend confiance en elle. Et du reste que lui importe cette vieille mégère?