L' Aubépine
Publié le 16 Mars 2007
Marie-Thérèse Garnier
Nous revenions de promenade. . .
Pour mieux marcher à travers champs
Et nous suivre en nos escapades
Grand-mère s'était prestement,
Fait une canne d'une branche
Ramassée au bord du chemin
Fleuri de clématites blanches,
De chardons mauves et de thym.
Parvenue en haut du village
Où se juche notre maison,
La promeneuse au doux visage
S'appuyait toujours au bâton;
Au seuil encadré de verdure,
Grand-mère, en un geste soudain,
Dans la terre de la bordure
Ficha son encombrant gourdin.
Ce fut l'ultime promenade;
L'automne était venu sans bruit;
Du vent, les premières rafales
Nous chassèrent de ce pays.
Des semaines, des mois passèrent. . .
Quand nous revînmes aux beaux jours,
Hélas! nous n'avions plus grand-mère
Et, Dieu! que nos cœurs étaient lourds!
Devant notre porte rustique
Nous demeurions , tout hésitants,
A contempler, mélancoliques,
Les premiers signes du printemps;
Les iris en touffe odorante
Se pressaient autour du vieux tronc
Ou la sève s'écoulait, puissante,
Couvrant la treille de bourgeons;
C' est alors que dans la bordure
Nos regards furent attirés
Par une légère verdure
Insolite en sa nouveauté;
Dans la solide tige brune
Qu'un frais feuillage surmontait,
Tout ébahis, nous reconnûmes
L'innocent bâton de l'été!
C'est ainsi que, prenant racine,
La branche morte du chemin
Donna naissance à l'aubépine
Dont l'ombre est douce à nos matins;
Sa vigueur est exubérante
Parfois jusqu'à la déraison
Mais sa présence est rassurante
Auprès de la vielle maison;
Du ciel elle est la grâce offerte
Pour nous faire mieux souvenir
De la chère aïeule aux mains vertes
Qui de la-haut la voit fleurir.