Les Rois Maudits
Publié le 1 Mai 2006
Maurice Druon
Conscience
Philippe V, fils de Philippe le Bel est à la veille de son sacre. S'il succède à son frère Louis X, et à son neveu, fils de ce dernier, c'est parce que ceux-ci ont été sauvagement assassinés. Il se trouve à la cathédrale pour y méditer, entouré des pairs de France, des membres de la famille royale, de l’archevêque de Reims. . . tous des gens intéressés.
"Il s' assit un moment, mais non sur le trône royal; une crainte superstitieuse lui défendait de l'occuper déjà. "Demain. . .demain je serai vraiment roi ". Il pensait à son père, à la lignée d'aïeux qui l'avaient précédé en cette église; il pensait à son frère, supprimé par un crime dont il était innocent mais dont tout le profit maintenant lui revenait ; il pensait à l'autre crime, celui commis sur l'enfant, qu'il n'avait pas ordonné non plus mais dont il était le complice muet. . .
" Sont-ils tous à ma semblance, criminels s'ils en avaient l'occasion, innocents seulement d'apparence, et prêts à se servir du mal pour accomplir leur ambition ? Pourtant lorsque j'étais à Lyon, je n'avais que des vœux de justice. Est-ce bien sur? "
" Il se jugeait lucidement, tel qu' il était : un mauvais homme avec les dons d' un très grand roi.
Il n'avait pas sommeil, il fût resté volontiers là, longtemps encore, à méditer sur lui - même, sur l'humaine destinée, sur l' origine de nos actes, et à se poser les vraies grandes questions du monde, celles qui ne peuvent jamais être résolues. "